Des histoires à vivre

Article écrit par : Patrice Nadam
Première mise en ligne le 31 mai 2022

Si le terme d’escape game est très souvent galvaudé et qu’il est aujourd’hui utilisé à tort et à travers pour désigner tout et n’importe quoi, est-il temps de le remplacer par une autre appellation ? C’est le sujet de l’article « La STORY ROOM est-elle l’avenir de l’ESCAPE GAME ? » de Funfaircity qui donne la parole à douze professionnels de l’escape game en France. L’occasion de poser un regard sur l’évolution de leurs métiers.

Pour certains, cette nécessaire transition d’appellation permet de témoigner de la grande diversité régnant dans le monde des jeux d’évasion et de distinguer les différentes finalités ludiques existantes, ainsi que de traduire une évolution du concept économique. Pour d’autres, l’appellation est purement marketing et risque de générer de la confusion dans l’esprit du public. Son utilisation reste tout juste pertinente entre les professionnels.

En revanche, tous s’accordent à dire que, avec ou sans échappement, avec ou sans cadenas, avec ou sans mécanismes complexes, avec ou sans chrono, le scénario prend une place importante dans l’immersion des joueurs. Qu’il s’agisse d’escape room, d’adventure room, de théâtre immersif, de story room, etc., c’est l’histoire qui participe à la magie de l’expérience, même s’il ne faut pas négliger le décor et le challenge.

À travers ces témoignages très intéressants, l’article de Funfaircity permet de soulever l’épineux problème de la sémantique dans la typologie des jeux d’évasion et affiliés.

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Pour notre part, chez S’CAPE, nous nous sommes posé très tôt la question du terme à employer et de la définition à donner à ce qu’on appelle un escape game pédagogique. Nous devrions d’ailleurs privilégier l’expression jeu d’évasion pédagogique, mais nous utilisons fréquemment l’anglicisme par habitude et par facilité. En effet, escape game est entré dans le langage courant et son mot-dièse (pour ne pas dire hashtag) sur les réseaux sociaux est moins sujet aux variations de graphie.

Très tôt donc, dès décembre 2017, Mélanie Fenaert, posait les jalons des jeux d’évasion pédagogiques dans l’article Escape game ou pas ? : « La scénarisation d’un escape game, essentielle à toute séquence ludifiée, au même titre que toute séquence pédagogique, est généralement teintée d’urgence, avec un défi, une quête à réaliser en un temps limité et chronométré. »

Déjà, nous nous éloignions un peu de la définition stricte que nous illustrions dans nos infographies. La mission remplaçait l’évasion... Mais l’obligation de rester politiquement correct et l’interdiction d’enfermer physiquement les élèves poussaient les enseignants à éviter les scénarios anxiogènes avec échappement et donc à créer des jeux d’évasion, sans évasion... On pouvait même aller plus loin dans « l’absurde » avec des escape games où il ne fallait pas sortir, mais entrer dans la salle — ce que d’aucun appellerait un inscape game. Cela ne nous empêchait pas de qualifier d’escape game l’ensemble de ces jeux. L’important était la présence d’un scénario avec une forme de délivrance à la fin...

En effet nous considérons plus que jamais que l’intrigue apporte une part importante à l’immersion, d’autant plus que le contexte de la salle de classe et le budget réduit alloué à ce type d’activité imposent la réalisation de décors minimalistes et éphémères. Nous insistons toujours sur le fait que le scénario ne doit pas être prétexte à une série d’exercices, mais qu’il doit justifier la présence des énigmes. La difficulté est ici de réussir à créer une activité ludopédagogique avec des énigmes qui ne sont pas des exercices classiques et qui font partie intégrante de l’aventure.

Tout en privilégiant les escape games pédagogiques tels que nous les définissons, nous avons élargi notre champ d’investigation et d’étude aux chasses au trésor, aventures dont vous êtes le héros, et autres expériences immersives. Des histoires à vivre, en somme... Une appellation qui se rapproche de celle des story rooms, mais qui insiste davantage sur l’intervention du joueur. Ce dernier n’est pas qu’un simple spectateur passif d’un spectacle immersif, mais il participe et vit l’aventure, si possible à plusieurs, ce qui génère des émotions favorisant la mémorisation. C’est ce que l’on recherche dans ces activités ludiques que nous qualifions d’escape games pédagogiques.