RISK : Pour l’Empereur !

Article écrit par : Mélanie Fenaert
Première mise en ligne le 14 avril 2021
Un escape book de Gauthier Wendling

1853. La guerre couve en Europe. La conférence Frankenberg est organisée en Suisse pour tenter de calmer les tensions entre la France, l’Angleterre, la Prusse et l’Autriche.
Une bombe éclate lors de l’événement où tu étais présent. Coincé dans un étrange hôpital et frappé d’amnésie, c’est pour toi le début d’une aventure très... riskée !

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Dans la peau d’un général amnésique, le lecteur est embarqué dans de multiples péripéties, qui se succèdent en cinq chapitres comme autant d’actes d’une pièce de théâtre. Il lui faudra s’échapper d’un hôpital après en avoir appris plus sur son passé, maîtriser des gardes, verser des pots de vin, déchiffrer des messages militaires, obtenir des informations, déclencher une rixe, déverrouiller des cadenas, envoyer des messages secrets par le télégraphe de Chappe...

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Mais aussi, et c’est toute l’originalité de certains chapitres calqués sur les mécaniques du célèbre jeu de plateau éponyme, mener des batailles, faire des choix tactiques, rechercher des alliances, gagner et perdre des régiments, le tout sans perdre trop de temps, au RISK de perdre la guerre !

« La présence de la canonnière cuirassée sur le Rhin est un reliquat d’une première version du pitch, qui aurait dû se passer durant la guerre de Sécession et utiliser les fameux monitors comme arme secrète. Au final tout est resté en Europe à la demande de Hasbro, mais l’idée d’un prototype de cuirassé est restée. »

La navigation dans cette histoire interactive se fait au travers de paragraphes principaux que l’on sélectionne grâce à une map par chapitre (un hôpital, une carte militaire, un bateau de guerre...). La map d’un des chapitres est d’ailleurs dessinée d’après le jeu de plateau RISK édition Napoléon de 1999, de même que les cartes Mission au début des chapitres. Les choix du lecteur peuvent autant être guidés par l’intuition, que par l’action ou par la résolution d’énigmes. De nombreux sous-paragraphes permettent une grande diversité de choix, qui peuvent se révéler fatals ! La multiplicité des chemins et des fins « heureuses » alternatives permettent au lecteur de recommencer et de vivre une tout autre aventure.

Un carnet et un crayon sont essentiels pour garder trace des indices collectés, même si des pages permettent un Inventaire des objets trouvés au fil de l’aventure. De multiples actions sont réalisables grâce à un tableau de Combinaisons qui permet de manipuler des outils, interroger ou convaincre des personnages de fournir des régiments. Ces interactions « humaines » passent par des Conversations, symbolisées par une lettre à retrouver grâce à une énigme, et qui débloquent souvent une situation.

Ces énigmes sont parfois assez corsées, voire tordues, mais on aime particulièrement leur variété et leur cohérence avec le scénario. Mention spéciale au jeu d’échecs qui sert de fil rouge à l’histoire, et constitue un support d’énigmes originales notamment liées à la narration interactive.

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Une partie d’échecs humains à Leningrad, 1924 : une image inspirante pour l’auteur

Gauthier Wendling a su créer une ambiance steampunk avec ses automates, machines de guerre à vapeur, armes révolutionnaires, dans laquelle on plonge totalement et de manière plus que consentante. L’écriture est fluide, les descriptions des lieux fleurent bon l’authenticité - il s’agit d’une région que Gauthier connaît bien, et une époque pour laquelle il s’est beaucoup documenté ! Les illustrations de David Chapoulet permettent de visualiser certaines scènes, et sont aussi des supports d’énigmes. On se prend au jeu des stratégies militaires et des alliances, qui rappelle complètement le jeu de plateau RISK dont une partie de l’histoire s’inspire.

« Je triche historiquement avec bien des circonstances, l’esthétique du jeu de plateau se basant sur les armées de Napoléon Ier (vers 1800, 1810) alors que, pour avoir mon content de machines à la Jules Verne, il me fallait situer ça vers 1850. Par chance les uniformes, les apparences des canons, etc. n’avaient pas trop changé en 50 ans, même si d’autres choses oui (les fusils par exemple). »

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On a plaisir à rencontrer des personnages familiers, qui rappellent Rouletabille de Gaston Leroux, ou encore Heidi. L’auteur s’est beaucoup inspiré de sa culture littéraire, parfois de manière inconsciente.

« Avec le recul je me rends compte que j’ai employé pour les twists de fin et début de chapitre des artifices de romans-feuilletons du XIXème siècle, ce qui finalement est cohérent avec le sujet. Se laisser enterrer pour s’évader, les échanges d’identité improbables comme dans de nombreuses histoires romantiques... Les noms des héros sont souvent issus de romans : d’Albaret apparaît dans un roman maritime de Jules Verne, Chabert chez Balzac. »

RISK : Pour l’Empereur !, publié par les Éditions404, est un cocktail très réussi entre livre d’évasion et jeu de stratégie, une histoire prenante et bien écrite, un régal à conseiller aux amateurs d’escape books chevronnés.